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    LE HÉRON

       Un jour sur ses longs pieds allait je ne sais où
       Le Héron au long bec emmanché d’un long cou.
                  Il côtoyait une rivière.
       L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours ;
       Ma commère la Carpe y faisait mille tours
                  Avec le Brochet son compère.
       Le Héron en eût fait aisément son profit :
       Tous approchaient du bord, l’Oiseau n’avait qu’à prendre ;
                  Mais il crut mieux faire d’attendre
                  Qu’il eût un peu plus d’appétit.
       Il vivait de régime, et mangeait à ses heures.
       Après quelques moments l’appétit vint ; l’Oiseau
                  S’approchant du bord vit sur l’eau
       Des Tanches qui sortaient du fond de ces demeures.
       Le mets ne lui plut pas ; il s’attendait à mieux,
                  Et montrait un goût dédaigneux
                  Comme le Rat du bon Horace. (1)
       Moi des Tanches ? dit-il, moi Héron que je fasse
       Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ?
       La Tanche rebutée (2), il trouva du Goujon.
       Du Goujon ! c’est bien là le dîné d’un Héron !
       J’ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise !
       Il l’ouvrit pour bien moins : tout alla de façon
                  Qu’il ne vit plus aucun Poisson.
       La faim le prit ; il fut tout heureux et tout aise
                  De rencontrer un Limaçon.
                  Ne soyons pas si difficiles :
       Les plus accommodants, ce sont les plus habiles :
       On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
                Gardez-vous de rien dédaigner ;
       Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
       Bien des gens y sont pris ; ce n’est pas aux Hérons
       Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte ;
       Vous verrez que chez vous j’ai puisé ces leçons.

    frise fleurie

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    La mouette-balancelle


    A la surface de la mer,
    Un oiseau cendré se balance
    Sur l’eau qui clapote et qui danse ;
    Un oiseau insoucieux de l’air

    Qui seul devrait être son monde !
    L’eau le soulève et, à son gré,
    Le fait descendre et remonter ;
    Oiseau des airs, oiseau de l’onde,

    Tu vas me donner le tournis !
    N’as-tu donc aucune nausée
    A te laisser ainsi bercer
    Par le tangage ou le roulis ?

    La Méditerranée l’endort !
    Ces moutons sont des vaguelettes
    Faites pour bercer les mouettes
    Aux yeux cernés d’un cercle d’or.

    On dirait un léger yo-yo
    Montant et descendant sans cesse :
    Une mouette qui paresse
    Loin des lourdes nuées, sur l’eau…

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    L'Ingratitude et l'Injustice des Hommes envers la Fortune


    Un trafiquant sur mer, par bonheur, s’enrichit.
    Il triompha des vents pendant plus d’un voyage :
    Gouffre, banc, ni rocher n’exigea de péage
    D’aucun de ses ballots ; le sort s’en affranchit.
    Sur tous ses compagnons Atropos et Neptune
    Recueillirent leur droit, tandis que la Fortune
    Prenait soin d’amener son marchand à bon port.
    Facteurs, associés, chacun lui fut fidèle.
    Il vendit son tabac, son sucre, sa canelle,
    Ce qu’il voulut, sa porcelaine encor :
    Le luxe et la folie enflèrent son trésor ;
    Bref, il plut dans son escarcelle.
    On ne parla chez lui que par doubles ducats ;
    Et mon homme d’avoir chiens, chevaux et carrosses :
    Ses jours de jeûne étaient des noces.
    Un sien ami, voyant ces somptueux repas,
    Lui dit : « Et d’où vient donc un si bon ordinaire ?
    - Et d’où me viendrait-il que de mon savoir-faire ?
    Je n’en dois rien qu’à moi, qu’à mes soins, qu’au talent
    De risquer à propos, et bien placer l’argent. »
    Le profit lui semblant une fort douce chose,
    Il risqua de nouveau le gain qu’il avait fait ;
    Mais rien, pour cette fois, ne lui vint à souhait.
    Son imprudence en fut la cause :
    Un vaisseau mal frété périt au premier vent ;
    Un autre, mal pourvu des armes nécessaires,
    Fut enlevé par les corsaires ;
    Un troisième au port arrivant,
    Rien n’eut cours ni débits. Le luxe et la folie
    N’étaient plus tels qu’auparavant.
    Enfin ses facteurs le trompant,
    Et lui-même ayant fait grand fracas, chère lie,
    Mis beaucoup en plaisirs, en bâtiments beaucoup,
    Il devint pauvre tout d’un coup.
    Son ami, le voyant en mauvais équipage,
    Lui dit :« D’où vient cela ? -De la fortune, hélas !
    - Consolez-vous, dit l’autre, et s’il ne lui plaît pas
    Que vous soyez heureux, tout au moins soyez sage. »
     
    Je ne sais s’il crut ce conseil ;
    Mais je sais que chacun impute, en cas pareil,
    Son bonheur à son industrie ;
    Et si, de quelque échec notre faute est suivie,
    Nous disons injures au Sort.
    Chose n’est ici plus commune.
    Le bien, nous le faisons ; le mal, c’est la Fortune :
    On a toujours raison, le Destin toujours tort. 

    Jean de la Fontaine

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    LE COCHE ET LA MOUCHE

    Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
    Et de tous les côtés au soleil exposé,
                Six forts chevaux tiraient un Coche.
    Femmes, Moine, Vieillards, tout était descendu.
    L'attelage suait, soufflait, était rendu.
    Une Mouche survient, et des Chevaux s'approche ;
    Prétend les animer par son bourdonnement ;
    Pique l'un, pique l'autre, et pense à tout moment
                Qu'elle fait aller la machine,
    S'assied sur le timon, sur le nez du Cocher ;
                Aussitôt que le char chemine,
                Et qu'elle voit les gens marcher,
    Elle s'en attribue uniquement la gloire ;
    Va, vient, fait l'empressée ; il semble que ce soit
    Un Sergent de bataille  allant en chaque endroit
    Faire avancer ses gens, et hâter la victoire.
                La Mouche en ce commun besoin
    Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin ;
    Qu'aucun n'aide aux Chevaux à se tirer d'affaire.
                Le Moine disait son Bréviaire ;
    Il prenait bien son temps ! une femme chantait ;
    C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait !
    Dame Mouche s'en va chanter à leurs oreilles,
                Et fait cent sottises pareilles.
    Après bien du travail le Coche arrive au haut.
    Respirons maintenant, dit la Mouche aussitôt :
    J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
    Ca, Messieurs les Chevaux, payez-moi de ma peine.

    frise fleurie

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  • la belette entree dans un granier

    La Belette entrée dans un grenier
     
    Damoiselle Belette, au corps long et flouet,
    Entra dans un Grenier par un trou fort étroit :
    Elle sortait de maladie.
    Là, vivant à discrétion,
    La galante fit chère lie,
    Mangea, rongea : Dieu sait la vie,
    Et le lard qui périt en cette occasion !
    La voilà, pour conclusion,
    Grasse, mafflue et rebondie.
    Au bout de la semaine, ayant dîné son soû,
    Elle entend quelque bruit, veut sortir par le trou,
    Ne peut plus repasser, et croit s'être méprise
    Après avoir fait quelques tours,
    "C'est, dit-elle, l'endroit : me voilà bien surprise ;
    J'ai passé par ici depuis cinq ou six jours. "
    Un Rat, qui la voyait en peine,
    Lui dit : "Vous aviez lors la panse un peu moins pleine.
    Vous êtes maigre entrée, il faut maigre sortir.
    Ce que je vous dis là, l'on le dit à bien d'autres ;
    Mais ne confondons point, par trop approfondir,
    Leurs affaires avec les vôtres."
     

     

    Vous pouvez lire également un article sur les chats et le dernier du sentier des douaniers

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    Les boutons d’or


    Petits bouts de soleil fleurissant en troupeaux,
    De jolis boutons d’or tapissent les talus,
    Les prairies, les jardins,… Et nous n’en pouvons plus
    De lutter en Ubaye contre leurs affutiaux.

    Corolles jaune vif, feuillage dentelé,
    C’est comme du chiendent tant c’est indestructible ;
    Renoncules dorées nullement comestibles,
    Et même empoisonnées pour qui va les brouter !

    Gourmand impénitent qui s’y est essayé,
    Barnabé l’éterlou s’en souviendra toujours :
    Effroyables douleurs, gorge en feu, ventre lourd…
    Les petits boutons d’or depuis lui ont laissé

    Un  souvenir amer. Modestes et toxiques,
    Tendant leur jolie coupe aux cabris imprudents,
    Ils s’offrent au regard… surtout pas à la dent !
    Les jolis boutons d’or ? Des pièges maléfiques…

     

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    La Tortue et les deux Canards

    Une Tortue était, à la tête légère,
    Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays,
    Volontiers on fait cas d'une terre étrangère :
    Volontiers gens boiteux haïssent le logis.
    Deux Canards à qui la commère
    Communiqua ce beau dessein,
    Lui dirent qu'ils avaient de quoi la satisfaire :
    Voyez-vous ce large chemin ?
    Nous vous voiturerons, par l'air, en Amérique,
    Vous verrez mainte République,
    Maint Royaume, maint peuple, et vous profiterez
    Des différentes moeurs que vous remarquerez.
    Ulysse en fit autant. On ne s'attendait guère
    De voir Ulysse en cette affaire.
    La Tortue écouta la proposition.
    Marché fait, les oiseaux forgent une machine
    Pour transporter la pèlerine.
    Dans la gueule en travers on lui passe un bâton.
    Serrez bien, dirent-ils ; gardez de lâcher prise.
    Puis chaque Canard prend ce bâton par un bout.
    La Tortue enlevée on s'étonne partout
    De voir aller en cette guise
    L'animal lent et sa maison,
    Justement au milieu de l'un et l'autre Oison.
    Miracle, criait-on. Venez voir dans les nues
    Passer la Reine des Tortues.
    - La Reine. Vraiment oui. Je la suis en effet ;
    Ne vous en moquez point. Elle eût beaucoup mieux fait
    De passer son chemin sans dire aucune chose ;

    Car lâchant le bâton en desserrant les dents,
    Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants.
    Son indiscrétion de sa perte fut cause.
    Imprudence, babil, et sotte vanité,
    Et vaine curiosité,
    Ont ensemble étroit parentage.
    Ce sont enfants tous d'un lignage.

     

     A la suite de cet article, vous pouvez regarder un article sur le sentier des douaniers et un autre sur les chats 

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    Le Goéland                                                              


    Du zénith a plongé un vaste goéland
    Aux ailes étalées comme d’immenses voiles
    Dans le ciel bleu du Sud. C’était un vaisseau blanc
    Voguant sous le soleil, les myriades d’étoiles ;

    Un oiseau déployé qui glissait dans la grise
    Lumière du matin éclaboussé d’argent ;
    Un oiseau qui planait emporté par la brise,
    Dans l’air un peu brumeux d’un tout nouveau printemps ;

    Un oiseau libre, énorme au-dessus de la mer
    Encor pâle et tachée d’une ombre bleu foncé ;
    Un goéland d’argent ruisselant de lumière
    Qui fondait sur le Port : un éclair en piqué.

     

    A la suite de ce poème, un article sur PARAME et un autre sur les chats ANGORA

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  • l'ane et ses maitres

                                                                            


     
    L'ÂNE ET SES MAITRES

    • L'Âne d'un Jardinier se plaignait au Destin
      De ce qu'on le faisait lever devant l'aurore.
      Les Coqs, lui disait-il, ont beau chanter matin ;
                   Je suis plus matineux encor.
      Et pourquoi ? Pour porter des herbes au marché.
      Belle nécessité d'interrompre mon somme !
                   Le sort de sa plainte touché
      Lui donne un autre Maître ; et l'Animal de somme
      Passe du Jardinier aux mains d'un Corroyeur.
      La pesanteur des peaux, et leur mauvaise odeur
      Eurent bientôt choqué l'impertinente Bête.
      J'ai regret, disait-il, à mon premier Seigneur.
                   Encor quand il tournait la tête,
                   J'attrapais, s'il m'en souvient bien,
      Quelque morceau de chou qui ne me coûtait rien.
      Mais ici point d'aubaine ; ou si j'en ai quelqu'une
      C'est de coups. Il obtint changement de fortune,
                   Et sur l'état d'un Charbonnier
                   Il fut couché tout le dernier.
      Autre plainte. Quoi donc, dit le Sort en colère,
                   Ce Baudet-ci m'occupe autant
                   Que cent Monarques pourraient faire.
      Croit-il être le seul qui ne soit pas content ?
                   N'ai-je en l'esprit que son affaire ?
    • Le Sort avait raison ; tous gens sont ainsi faits :
      Notre condition jamais ne nous contente :
                   La pire est toujours la présente.
      Nous fatiguons le Ciel à force de placets.
      Qu'à chacun Jupiter accorde sa requête,
                   Nous lui romprons encor la tête

     

     

    Vous pouvez lire également un article sur le sentier des diouaniers et un autre sur les chats

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    Le Sauze en août

    Sur la montagne bleue, le grand mois d’août flamboie.
    Sous les luges foulant la piste encor ouverte,
    L’herbe drue fleure bon ; elle chuinte et verdoie.
    Nous suçons un sorbet face à la Savonnette*,

    Totalement béats de pouvoir contempler
    La sculpture des pics sur l’infini ciel bleu !
    Tout a été lavé par les pluies de juillet,
    Roulant en rus d’eau claire au fond de chaque creux !

    C’est le Sauze estival ! Le simple et grand bonheur
    D’aspirer goulûment un air presqu’un peu frais !
    Des gens pas trop bronzés s’y lèvent de bonne heure
    Pour s’en aller grimper hors des sentiers pavés.

    D’autres sont seulement là où ils aiment être :
    Un joli coin perdu en haut de la Provence !
    Un village sans faste où ils aiment renaître,
    Loin du bruit, des fumées, de tant d’autres nuisances…

    Nous sommes affalés sur nos grands fauteuils blancs
    Tels des lézards repus abreuvés de lumière.
    La montagne scintille d’étoiles d’argent
    Accrochées joliment en haut des conifères.

    frise fleurie

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