• Sans titre 3

    La mer

     

    La mer pousse une vaste plainte,
    Se tord et se roule avec bruit,
    Ainsi qu'une géante enceinte
    Qui des grandes douleurs atteinte,
    Ne pourrait pas donner son fruit ;

     

    Et sa pleine rondeur se lève
    Et s'abaisse avec désespoir.
    Mais elle a des heures de trêve :
    Alors sous l'azur elle rêve,
    Calme et lisse comme un miroir.

     

    Ses pieds caressent les empires,
    Ses mains soutiennent les vaisseaux,
    Elle rit aux moindres zéphires,
    Et les cordages sont des lyres,
    Et les hunes sont des berceaux.

     

    Elle dit au marin : "Pardonne
    Si mon tourment te fait mourir ;
    Hélas ! Je sens que je suis bonne,
    Mais je souffre et ne vois personne
    D'assez fort pour me secourir !"

     

    Puis elle s'enfle encor, se creuse
    Et gémit dans sa profondeur ;
    Telle, en sa force douloureuse,
    Une grande âme malheureuse
    Qu'isole sa propre grandeur !

     

    Sans titre 1

    René Armand François Prudhomme, dit Sully Prudhomme, né à Paris le 16 mars 1839 et mort à Châtenay-Malabry le 6 septembre 1907, est un poète français, premier lauréat du Prix Nobel de littérature en 1901.

     

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  • la-dame-blanche.jpg

     


    La dame blanche


    Dans une grotte du Chiran
     Vit une belle dame blanche,
     Au noir pays des avalanches,
     De la brume grise et du vent…
     
    Elle est mélancolique et pâle ;
     Une grande et mince sylphide,
     Avec de longues mains livides
     - Couleur de mort, couleur d’opale -
     
    Qu’elle secoue de temps en temps
     Au-dessus de la vallée morte :
     Des plumes que la bise emporte
     Volettent alors en valsant,
     
    Puis se posent sur le sol gris.
     Mais la dame est fort capricieuse,
     Et lorsqu’elle est d’humeur boudeuse,
     D’un coeur trop léger elle oublie
     
    Que, si l’hiver lui prête vie,
     C’est pour créer ce sortilège.
     Dame du froid, reine des neiges,
     Il te faut donc et à tout prix,
     
    En te faisant aider du froid,
     Couvrir de ta manne sacrée
     Le sol ingrat de la vallée
     Dont l’hiver doit être le roi.
     
    Nous attendons le vol ailé
     De tes flocons qui, en dansant,
     Piquettent l’air de points d’argent.
     Tu ne peux nous abandonner…


    Vette de Fonclare

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  • Sans titre 2

      Beau soir d'hiver
     
    La neige - le pays en est tout recouvert -
     
    Déroule, mer sans fin, sa nappe froide et vierge,
     
    Et, du fond des remous, à l'horizon désert,
     
    Par des vibrations d'azur tendre et d'or vert,
     
    Dans l'éblouissement, la pleine lune émerge.
     
     
     
    A l'Occident s'endort le radieux soleil,
     
    Dans l'espace allumant les derniers feux qu'il darde
     
    A travers les vapeurs de son divin sommeil,
     
    Et la lune tressaille à son baiser vermeil
     
    Et, la face rougie et ronde, le regarde.
     
     
     
    Et la neige scintille, et sa blancheur de lis
     
    Se teinte sous le flux enflammé qui l'arrose.
     
    L'ombre de ses replis a des pâleurs d'iris,
     
    Et, comme si neigeaient tous les avrils fleuris,
     
    Sourit la plaine immense ineffablement rose.
     
    Jules Breton

    Sans titre 3

    Jules Breton (1827 - 1906), est un peintre et poète français.

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  • à la fenêtre, pendant la nuit

    A la fenêtre, pendant la nuit

     

    Les étoiles, points d'or, percent les branches noires ;
    Le flot huileux et lourd décompose ses moires
    Sur l'océan blêmi ;
    Les nuages ont l'air d'oiseaux prenant la fuite ;
    Par moments le vent parle, et dit des mots sans suite,
    Comme un homme endormi.

     

    Tout s'en va. La nature est l'urne mal fermée.
    La tempête est écume et la flamme est fumée.
    Rien n'est, hors du moment,
    L'homme n'a rien qu'il prenne, et qu'il tienne, et qu'il garde.
    Il tombe heure par heure, et, ruine, il regarde
    Le monde, écroulement.

     

    L'astre est-il le point fixe en ce mouvant problème ?
    Ce ciel que nous voyons fut-il toujours le même ?
    Le sera-t-il toujours?
    L'homme a-t-il sur son front des clartés éternelles ?
    Et verra-t-il toujours les mêmes sentinelles
    Monter aux mêmes tours ?

     

    victor-hugo

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  • OCEANO NOX

    Océano Nox.

     

    Oh ! combien de marins, combien de capitaines
    Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
    Dans ce morne horizon se sont évanouis ?
    Combien ont disparu, dure et triste fortune ?
    Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
    Sous l'aveugle océan à jamais enfoui ?


    Combien de patrons morts avec leurs équipages ?
    L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages
    Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots !
    Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée,
    Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ;
    L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !
    Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues !
    Vous roulez à travers les sombres étendues,
    Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus
    Oh ! que de vieux parents qui n'avaient plus qu'un rêve,
    Sont morts en attendant tous les jours sur la grève
    Ceux qui ne sont pas revenus !


    On demande " Où sont-ils ? Sont-ils rois dans quelque île ?
    Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ?
    Puis, votre souvenir même est enseveli.
    Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.
    Le temps qui sur toute ombre en verse une plus noire,
    Sur le sombre océan jette le sombre oubli.


    On s'entretient de vous parfois dans les veillées,
    Maint joyeux cercle, assis sur les ancres rouillées,
    Mêle encore quelque temps vos noms d'ombre couverts,
    Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures,
    Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures,
    Tandis que vous dormez dans les goémons verts !


    Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue.
    L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ?
    Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur,
    Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre,
    Parlent encore de vous en remuant la cendre,
    De leur foyer et de leur coeur !
    Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,
    Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre,
    Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond,
    Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne,
    Pas même la chanson naïve et monotone,

     

    Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont !
    Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?
    O flots ! que vous savez de lugubres histoires !
    Flots profonds redoutés des mères à genoux !
    Vous vous les racontez en montant les marées,
    Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées,
    Que vous avez le soir, quand vous venez vers nous.

     

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  • decembre.jpg

     


    Décembre

     
    - Ouvrez, les gens, ouvrez la porte,
     je frappe au seuil et à l’auvent,
     ouvrez, les gens, je suis le vent,
     qui s’habille de feuilles mortes.
     
    - Entrez, monsieur, entrez, le vent,
     voici pour vous la cheminée
     et sa niche badigeonnée ;
     entrez chez nous, monsieur le vent.
     
    - Ouvrez, les gens, je suis la pluie,
     je suis la veuve en robe grise
     dont la trame s’indéfinise,
     dans un brouillard couleur de suie.
     
    - Entrez, la veuve, entrez chez nous,
     entrez, la froide et la livide,
     les lézardes du mur humide
     s’ouvrent pour vous loger chez nous.
     
    - Levez, les gens, la barre en fer,
     ouvrez, les gens, je suis la neige,
     mon manteau blanc se désagrège
     sur les routes du vieil hiver.
     
    - Entrez, la neige, entrez, la dame,
     avec vos pétales de lys
     et semez-les par le taudis
     jusque dans l’âtre où vit la flamme.
     
    Car nous sommes les gens inquiétants
     qui habitent le Nord des régions désertes,
     qui vous aimons - dites, depuis quels temps ? -
     pour les peines que nous avons par vous souffertes.
     
    Emile Verhaeren

    Sans titre 1

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  • automne

    Fin d’année

     

    Sous des cieux faits de filasse et de suie,
    D’où choit morne et longue la pluie,
    Voici pourrir
    Au vent tenace et monotone,
    Les ors d’automne ;
    Voici les ors et les pourpres mourir.

     

    O vous qui frémissiez, doucement volontaires,
    Là-haut, contre le ciel, tout au long du chemin,
    Tristes feuilles comme des mains,
    Vous gisez, noires, sur la terre.

     

    L’heure s’épuise à composer les jours ;
    L’autan comme un rôdeur, par les plaines circule ;
    La vie ample et sacrée, avec des regrets sourds,
    Sous un vague tombeau d’ombre et de crépuscule,
    Jusques au fond du sol se tasse et se recule.

     

    Dites, l’entendez-vous venir au son des glas,
    Venir du fond des infinis là-bas,
    La vieille et morne destinée ?
    Celle qui jette immensément au tas
    Des siècles vieux, des siècles las,
    Comme un sac de bois mort, l’année.

     

    Emile Verhaeren

     

    Sans titre 1

    Émile Adolphe Gustave Verhaeren, né à Saint-Amand dans la province d'Anvers, Belgique, le 21 mai 1855 et mort à Rouen le 27 novembre 1916, est un poète belge flamand, d'expression française

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    A ma fille


    O mon enfant, tu vois, je me soumets.
    Fais comme moi : vis du monde éloignée ;
    Heureuse ? non ; triomphante ? jamais.
    -- Résignée ! --

     

    Sois bonne et douce, et lève un front pieux.
    Comme le jour dans les cieux met sa flamme,
    Toi, mon enfant, dans l'azur de tes yeux
    Mets ton âme !

     

    Nul n'est heureux et nul n'est triomphant.
    L'heure est pour tous une chose incomplète ;
    L'heure est une ombre, et notre vie, enfant,
    En est faite.

     

    Oui, de leur sort tous les hommes sont las.
    Pour être heureux, à tous, -- destin morose ! --
    Tout a manqué. Tout, c'est-à-dire, hélas !
    Peu de chose.

     

    Ce peu de chose est ce que, pour sa part,
    Dans l'univers chacun cherche et désire:
    Un mot, un nom, un peu d'or, un regard,
    Un sourire !

     

    La gaîté manque au grand roi sans amours ;
    La goutte d'eau manque au désert immense.
    L'homme est un puits où le vide toujours
    Recommence.

     

    Vois ces penseurs que nous divinisons,
    Vois ces héros dont les fronts nous dominent,
    Noms dont toujours nos sombres horizons
    S'illuminent !

     

    Après avoir, comme fait un flambeau,
    Ébloui tout de leurs rayons sans nombre,
    Ils sont allés chercher dans le tombeau
    Un peu d'ombre.

     

    Le ciel, qui sait nos maux et nos douleurs,
    Prend en pitié nos jours vains et sonores.
    Chaque matin, il baigne de ses pleurs
    Nos aurores.

     

    Dieu nous éclaire, à chacun de nos pas,
    Sur ce qu'il est et sur ce que nous sommes ;
    Une loi sort des choses d'ici-bas,
    Et des hommes !

     

    Cette loi sainte, il faut s'y conformer.
    Et la voici, toute âme y peut atteindre :
    Ne rien haïr, mon enfant ; tout aimer,
    Ou tout plaindre !

     

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    Le Petit Chat

     

    C'est un petit chat noir effronté comme un page,
    Je le laisse jouer sur ma table souvent.
    Quelquefois il s'assied sans faire de tapage,
    On dirait un joli presse-papier vivant.

    Rien en lui, pas un poil de son velours ne bouge ;
    Longtemps, il reste là, noir sur un feuillet blanc,
    A ces minets tirant leur langue de drap rouge,
    Qu'on fait pour essuyer les plumes, ressemblant.

    Quand il s'amuse, il est extrêmement comique,
    Pataud et gracieux, tel un ourson drôlet.
    Souvent je m'accroupis pour suivre sa mimique
    Quand on met devant lui la soucoupe de lait.

    Tout d'abord de son nez délicat il le flaire,
    La frôle, puis, à coups de langue très petits,
    Il le happe ; et dès lors il est à son affaire
    Et l’on entend, pendant qu'il boit, un clapotis.

    Il boit, bougeant la queue et sans faire une pause,
    Et ne relève enfin son joli museau plat
    Que lorsqu'il a passé sa langue rêche et rose
    Partout, bien proprement débarbouillé le plat.

    Alors il se pourlèche un moment les moustaches,
    Avec l'air étonné d'avoir déjà fini.
    Et comme il s'aperçoit qu'il s'est fait quelques taches,
    Il se lisse à nouveau, lustre son poil terni.

    Ses yeux jaunes et bleus sont comme deux agates ;
    Il les ferme à demi, parfois, en reniflant,
    Se renverse, ayant pris son museau dans ses pattes,
    Avec des airs de tigre étendu sur le flanc.

      http://i46.tinypic.com/n1cfms.jpg

    Edmond Eugène Joseph Alexis Rostand, né le 1er avril 1868 à Marseille, mort le 2 décembre 1918 à Paris 7e, est un auteur dramatique français.

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    La Tour Eiffel

     

    Mais oui, je suis une girafe,
    M’a raconté la tour Eiffel,
    Et si ma tête est dans le ciel,
    C’est pour mieux brouter les nuages,
    Car ils me rendent éternelle.
    Mais j’ai quatre pieds bien assis
    Dans une courbe de la Seine.
    On ne s’ennuie pas à Paris :
    Les femmes, comme des phalènes,
    Les hommes, comme des fourmis,
    Glissent sans fin entre mes jambes
    Et les plus fous, les plus ingambes
    Montent et descendent le long
    De mon cou comme des frelons
    La nuit, je lèche les étoiles.
    Et si l’on m’aperçoit de loin,
    C’est que très souvent, j’en avale
    Une sans avoir l’air de rien

     

    Maurice Careme

     

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